Aharon Appelfeld : cent ans de solitude juive est un essai sur les nouvelles que l’écrivain a publiées au tout début de sa carrière. Le public francophone n’a pas accès à ces textes, environ une centaine dont cinq en tout et pour tout ont été traduits en français à travers deux revues et anthologies. Il s’agit donc de présenter la variété des thèmes qui vont fournir à l’écrivain le socle de toute son œuvre romanesque future : les personnages et motifs de la vie juive en Europe orientale entre le xixè et le xxè siècle, les langues à travers lesquelles évolue Appelfeld lui-même et dans lesquelles s’expriment ses personnages et enfin son Ars Poetica, son langage poétique qu’il développe à travers divers éléments de la nature.
La langue hébraïque qu’Appelfeld a forgée d’une façon très personnelle est au centre de cette étude : il s’attache à sculpter la langue dans ses pleins mais surtout dans ses manques. Son admiration pour la langue de la Bible le mène à forger une langue tout en retenue et en même temps imprégnée d’une musique intérieure et de couleurs inédites dans la littérature hébraïque.
D’autre part la quête de la mémoire qui occupe une place centrale dans l’œuvre romanesque jusqu’aujourd’hui est présente dès les premières nouvelles. Les langages de la mémoire se reflètent métaphoriquement dans les langages de la nature ciselés par l’écrivain : l’eau, la forêt, le gel représentent autant de langages différents et dans le même temps entrelacés les uns aux autres.
La première partie de l’ouvrage intitulée : « Entre mémoire et oubli » est consacrée aux lieux de vie des Juifs en Europe orientale, leurs traditions, leurs croyances, leurs relations avec les Chrétiens, la quête ou le refus de leur identité et la mémoire collective et individuelle. La seconde partie présente tout d’abord le palimpseste des langues de l’écrivain : sous l’hébreu, les langues de l’enfance, suivi de la symbolique des langages à laquelle se réfère Appelfeld tout au long de ses romans.
L’essai s’achève avec un chapitre sur les influences littéraires qui ont marqué Appelfeld (la Bible et Kafka) suivi d’une ouverture sur les romans à partir des motifs analysés dans les nouvelles.